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samedi, avril 19, 2025

L’argent caché des syndicats

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Ils touchent 4 milliards par an de la collectivité pour 8 % de syndiqués. Subventions à gogo, permanents par milliers, gabegie… Un rapport parlementaire lève le voile. Décapant !

Des vacances à Dakar aux frais de France Télécom ! En février dernier, 12 délégués syndicaux du groupe se sont rendus au Sénégal, officiellement pour assister au Forum social mondial. Dans leurs valises, un mandat en bonne et due forme du très imposant Comité central de l’unité économique et sociale (CCUES). Pour représenter les salariés de France Télécom face à la «place importante faite au secteur des télécoms, notamment dans le cadre des relations nord-sud», la délégation a reçu un chèque de 12.000 euros. À l’heure où les entreprises serrent les coûts et l’État taille dans ses dépenses, les syndicats ne rechignent pas à envoyer leurs membres au soleil, tous frais payés, simplement «pour nourrir leur réflexion».

Les cotisations ne représentent qu’une part infime des budgets syndicaux: guère plus de 3 à 4% pour les organisations représentant les salariés et de 15 à 60 % selon les cas pour les structures patronales.C’est une «exception française en Europe», relèvent les parlementaires, soulignant qu’ailleurs sur le continent, «les cotisations occupent une part primordiale dans les ressources des syndicats, plus de 80% dans l’ensemble». Leur «légitimité» est à ce prix, notamment vis-à-vis des pouvoirs publics, glisse le rapport.

Ici, ce sont les détachements syndicaux, les décharges horaires, les subventions aux comités d’entreprise ou encore la gestion des organismes sociaux et de la formation professionnelle qui fournissent le gros des moyens. Un système bien huilé mis en place au lendemain de la guerre et que personne – même en ces temps de crise – n’a osé remettre en cause. Et surtout pas l’État impécunieux, pourtant avide d’économies. Y trouverait-il son compte?

Sur 79 millions d’euros de cotisations versés par ses adhérents, un peu moins de 13 ont été affectés à la confédération pour financer ses activités, a-t-il détaillé. Ce qui lui a permis d’affirmer que près des deux tiers des recettes de la CGT provenaient des adhérents. À l’entendre, on serait donc «très loin» de l’image d’un syndicat «fonctionnant avec l’argent public». Simple question de présentation. Ce que l’on nomme par facilité «syndicat» est juridiquement composé d’une kyrielle de structures: sections d’entreprises, unions locales, départementales, fédérations professionnelles… La maison-mère est souvent elle-même incapable d’indiquer avec certitude le nombre de ses affidés. La CGT, par exemple, hésite entre 25.000 et 30.000 entités.

Les abus prospèrent dans un univers où règne le flou. Soumis aux questions des inspecteurs de l’administration, les directeurs des ressources humaines des ministères ont bien dû admettre qu’ils ne disposaient d’aucun tableau de bord détaillé de leurs effectifs. Des réponses au moins aussi vagues ont été données aux députés. Du bout des lèvres, au ministère de la Fonction publique, on reconnaît qu’environ 17.000 agents (en postes équivalents temps plein) seraient mis à la disposition des syndicats dans la fonction publique. Dont près de 1200 à l’Éducation nationale. Les parlementaires ont conclu de cet aveu à moitié officiel que la réalité devait se situer bien au-dessus et Perruchot avance le chiffre de «28.000 équivalents temps plein pour les trois fonctions publiques». Si l’on s’en tient au chiffre officiel, les moyens humains offerts aux syndicats par l’État représenteraient une enveloppe minimale de 1,3 milliard d’euros. «J’ai dit à Valérie Pécresse: rien qu’avec une économie de 10% sur ce budget, je te fais l’équivalent de deux taxes sodas», ironise le rapporteur.

Dans certains services de l’État comme la police, fortement syndiquée, ces mises à disposition ont atteint une telle ampleur que le ministre a dû taper du poing sur la table. Depuis une dizaine de jours, le cabinet du ministre de l’Intérieur reçoit discrètement les syndicats de policiers les uns après les autres. Claude Guéant a lancé un pavé dans la mare en déclarant qu’il comptait «remettre les policiers sur le terrain». Depuis les déclarations du ministre, les langues se délient, et les différentes centrales se renvoient la patate chaude. Les uns ont reconnu des syndicalistes policiers assurant le service d’ordre de manifestation d’un candidat de gauche, les autres dénoncent les moyens humains particulièrement généreux consacrés aux œuvres sociales de la police. Jusqu’où ira le ministre de l’Intérieur? Dans bien des cas, les administrations préfèrent fermer les yeux pour assurer la paix sociale.«Globalement, les quotas de détachement dans la fonction publique ont souvent été dépassés avec la bénédiction des ministères», concède un connaisseur.

Au fil des ans, certains comités d’entreprise de la sphère publique sont devenus de véritables coffres-forts ! Il est vrai que les patrons n’hésitent pas à mettre la main à la poche bien au-delà des obligations prévues par la loi. Manière d’acheter, au prix fort, la paix sociale. Pierre Mongin, à la tête de la RATP, n’aligne-t-il pas 16 millions par an, c’est-à-dire 7 de plus que ce que lui imposent les textes, dans la caisse syndicale? Durant plus de dix ans à la tête d’Air France, Jean-Cyril Spinetta a mis des sommes importantes à disposition de ses comités d’entreprise (3,1 % de la masse salariale). Un compte courant avait même été mis à disposition par l’entreprise pour éponger les dettes et la gestion hasardeuse du CCE. Air France l’a fermé en 2008 et a accepté d’éponger un découvert de 7 millions d’euros. Une goutte d’eau face aux enjeux poursuivis par la direction: faire passer la privatisation de l’entreprise et la fusion avec le néerlandais KLM.

Même chose à EDF, qui abrite la plus grosse cagnotte de la CGT, l’intouchable Caisse centrale d’action sociale (CCAS). «Les magistrats ne comprennent rien aux impératifs économiques!» s’était emporté un certain ministre du Budget en 2004 alors qu’une information judiciaire était ouverte sur les irrégularités de la gestion du comité d’entreprise (4000 permanents syndicaux). Met-on en cause la gestion d’un syndicat majoritaire à la veille d’un changement de statut de l’entreprise? Chez France Télécom-Orange, la direction a trouvé une méthode tout aussi efficace de mettre de l’huile dans les rouages: acheter des pages de publicité dans les journaux syndicaux ou encore louer des stands dans les grands congrès.

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