
Le site Politico s’est procuré les notes de frais occasionnées par les voyages ministériels. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a obstinément refusé de fournir celles de Bercy.
En juin 2023 le site Politico a contacté plusieurs ministères afin qu’ils fournissent les notes de frais liés aux déplacements de ceux qui les dirigent.
Après un an d’attente, et le dépôt de recours devant le tribunal administratif, la plupart ont finalement répondu. A une exception près : celle du ministère de l’Économie et des Finances qui a fait la sourde oreille aux sollicitations de Politico comme à celles du juge administratif.
Le tribunal administratif devrait à nouveau se pencher sur le sujet à la fin de l’été, indique le site.
L’examen des notes de frais traduit une forte hétérogénéité selon les ministères.
Avec, aux deux extrêmes, un voyage d’une centaine d’euros dans un vol low-cost jusqu’en Égypte et un aller-retour en jet privé à destination de Singapour à 45 000 euros.
Quand ils ne peuvent pas prendre un avion gouvernemental, subordonné au feu vert de Matignon, les ministres se rabattent vers des vols commerciaux, le plus souvent en classe Affaires.
Des ministres ont recours à des jets privés commerciaux
Certaines ministres recourent aussi aux jets privés commerciaux comme ce voyage de Chrysoula Zacharopoulou, ex-secrétaire d’État chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux, dont le déplacement pour Bucarest a coûté 34 000 euros aux contribuables.
Tout cela pour assister à une conférence en soutien à la Moldavie et participer à la fête nationale à l’ambassade.
Autre exemple cité par Politico : le voyage de Catherine Colonna, alors ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, qui a affrété un jet privé pour se rendre à Berlin et assister à une réunion du G7.
Montant de la facture pour le contribuable : près de 43 000 euros.
Parmi les ministres moins dispendieux, Politico cite notamment Agnès Pannier-Runacher, ex-ministre de la Transition énergétique, qui a pris un vol EasyJet qui a coûté 93 euros pour se rendre à la COP27 de Charm el-Cheikh.
Des exemples à suivre puisque la plupart des voyages ministériels en vols commerciaux s’effectuent en classe Affaires.
Officiellement, les ministres ont pour consigne de préférer le train pour se rendre d’une ville européenne à l’autre. Ce qui n’a pas empêché Amélie Oudéa-Castera, ministre des Sports, d’effectuer un vol entre Paris et Londres, fin juillet 2022.
Ou encore Clément Beaune de se rendre à Berlin en avion pour… inaugurer, au retour, le train de nuit entre les capitales allemande et française !

Une nuit d’hôtel à Montréal pour 310 euros pour une ministre ; 14 600 euros pour l’hébergement de l’ensemble d’une délégation ministérielle pendant deux jours à Singapour ; un aller-retour en jet privé à 45 000 euros pour une autre ; un voyage d’une centaine d’euros dans un vol low-cost jusqu’en Egypte pour une troisième… Les voyages ministériels sont très diversifiés.
Un train de nuit pour se rendre à Kiev ou un jet privé pour fêter le 14-Juillet à Bucarest apparaissent dans les justificatifs de déplacement et d’hébergement des (futurs ex-)ministres lors de leurs voyages à l’étranger demandés par POLITICO en juin 2023 à plusieurs ministères. Après un an d’attente, et le dépôt de plusieurs recours devant le tribunal administratif, la plupart ont répondu.
Un seul ministère nous a fait faux-bond : le ministère de l’Economie et des Finances. Il n’a répondu ni à notre demande, ni à celle du juge administratif. “Ça devrait pas tarder”, promettait mi-juin une conseillère de Bruno Le Maire, mais aucun document n’a encore été transmis. Le tribunal administratif va se pencher sur le sujet à la fin de l’été.
Vols en tous genres
Pour les déplacements, l’utilisation de la flotte d’avions gouvernementale est soumise à validation de Matignon, nous explique un conseiller ministériel. Et s’ils ne sont pas disponibles, les ministres se rabattent vers des vols commerciaux ou doivent réorganiser leur emploi du temps.
Certaines ministres ont fait usage de jets privés commerciaux. Parmi les documents obtenus par POLITICO, on trouve la trace d’un voyage de Chrysoula Zacharopoulou le 14 juillet 2022 vers Bucarest pour 34 000 euros. Sur place, la secrétaire d’Etat chargée du Développement assiste à une conférence en soutien à la Moldavie, “à la demande de la ministre” des Affaires étrangères et participe à la célébration de la fête nationale à l’ambassade.
“Entre les cérémonies du 14-Juillet [à Paris] et la conférence, elle n’avait pas d’autres solutions que cette solution là”, explique le porte parole du Quai d’Orsay, précisant que cette demande de voyage en jet a été “dûment validée” par le chef de cabinet de la Première ministre.

Quelques mois plus tard, Catherine Colonna s’est rendue à Berlin pour près de 43 000 euros, elle aussi par le biais d’un jet privé, pour assister à une réunion des ministres des Affaires étrangères du G7.
Mais c’est loin d’être la norme. Pour se rendre à Charm el-Cheikh en novembre 2022 pour la COP27, Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de la Transition énergétique a ainsi pris un vol avec EasyJet, au départ de Milan qui a coûté 93 euros. Le retour, affrêté par Egypt Air en classe économique a coûté 758 euros.
Dans le même temps, Bérangère Couillard, secrétaire d’Etat à l’Ecologie préférait Air France à l’aller, et EasyJet au retour, pour un coût total de 2 400 euros.
La plupart des voyages ministériels en vols commerciaux s’effectuent en classe affaires.
Accueil princier au Qatar
Dans les documents transmis, certains éclairent les séjours d’Amélie Oudéa-Castera lors de la Coupe du Monde au Qatar en décembre 2022.
Elle a fait trois allers-retours en avion en dix jours. Son premier voyage, du 9 au 12 décembre, elle l’a effectué en classe “business elite” de Qatar Airways, pour 7 000 euros l’aller-retour. Elle est arrivée le 10 décembre au matin à Doha, pour repartir le lendemain, tard dans la nuit, et arriver à Paris le 12 décembre au matin.
Deux jours de travail à Paris, et elle décolle à nouveau pour Doha dans l’avion présidentiel pour la demi-finale face au Maroc, puis, trois jours plus tard rebelote pour la finale face à l’Argentine.
Une note transmise par l’ambassade de la France au Qatar détaille les privilèges pouvant être accordés à la ministre : suite présidentielle et cinq chambres pour les collaborateurs, billets pour la tribune principale ou la zone VIP et voiture blindée, notamment.
“L’hébergement de l’ensemble de la délégation a été organisé par l’ambassade de France, dans le cadre d’un protocole d’invitation prévu par le ministère des Affaires étrangères du pays hôte”, confirme-t-on au ministère des Sports.
Les deux nuits passées à Doha par la ministre à l’occasion de la finale ont été prises en charge par l’Elysée et re-facturées 8200 euros au ministère des sports.